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COURRIER INTERNATIONAL N° 232 DU 13 AU 19 AVRIL 1995 UNION EUROPEENNE Cette Turquie-là n'est pas de node monde Theo Sommer DIE ZEIT - HAMBOURG
Comment lUnion européenne peut-elle sy prendre avec une Turquie qui sape jour après jour ses propres, revendications dappartenance à lEurope ? Cest une question que ne peuvent manquer de se poser ceux-là mêmes qui envisageaient des liens plus étroits entre Bruxelles et ce pays perçu comme rempart des valeurs occidentales face au fondamentalisme islamique, avant-poste de la démocratie, passerelle vers lOrient et, enfin, facteur de stabilisation dans une région en effervescence. Aujourdhui, la Turquie est tout sauf un facteur de stabilité ou un phare des principes occidentaux. Le "professeur déconomie Tansu Çiller la plongée dans une crise économique grave, avec une inflation de 150 %, une croissance négative, un budget de lEtat pléthorique. Idéologiquement, le pays est de plus en plus la proie des fondamentalistes. Politiquement, cest une semi-démocratie qui vit à lombre pesante des militaires. Socialement, elle est le théâtre de clivages profonds. Or la politique kurde du gouvernement empoisonne tout : la politique, léconomie et la société. Lexpérience la depuis longtemps démontré : quand on a pour seul outil un marteau, tous les problèmes deviennent des clous. Quand limagination politique fait défaut, larmée a les mains libres. Quen est-il de. lenseignement du kurde, des émissions de radio et de télévision en kurde, de la reconnaissance du kurde comme langue administrative et juridique ? Quelques timides tentatives avaient été ébauchées au temps de la présidence de Turgut Ozal (1989-95). Le pouvoir actuel, lui, ne veut pas en entendre parler. Il préfère employer la force. Le bilan des dix dernières années est décourageant : '15 000 morts, 2 000 villages rasés, 2 millions de Kurdes déplacés, des centaines dopposants disparus sans laisser de traces, des peines pour délit dopinion infligées à des députés élus, la moitié de larmée engagée dans le combat contre les Kurdes, un cinquième du budget de lEtat englouti par la guerre. Comme il ny a aucune alternative légale [au nationalisme kurde], les rangs du PKK grossissent sans cesse. Et, en appliquant une politique contraire aux droits de lhomme, on finit par violer sciemment ces mêmes droits, en intervenant avec 35 000 hommes sur le territoire dun pays voisin, lIrak. Quelle absurdité ! Cette zone dexclusion établie par lOccident pour les Kurdes au nord de lIrak et dont le survol est interdit aux Irakiens, les Turcs peuvent la bombarder sans être condamnés ! LEurope ne peut pas, ne doit pas accepter cela. Il est juste dinterrompre toute livraison darmes à la Turquie car il est évident quelle ne fait plus lobjet daucune menace extérieure. Il faut .paralyser la ratification du traité dunion douanière signé en mars dernier. De même, il est essentiel de forcer la Turquie à respecter des réglementations civilisées en termes de droit des minorités, comme lUnion européenne a persisté à le faire avec les pays dEurope de lEst. Et si tout cela ny change rien, pourquoi ne pas envisager une exclusion du Conseil de lEurope ou même une suspension du statut de membre de lOTAN ?
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