Le fond du problème A la conférence qui sétait tenu à Londres en janvier 1964, le Ministre turc des Affaires Etrangères alors en fonctions révéla que la Turquie avait des droits sur Chypre parce que Chypre était pour elle dune grande importance stratégique. II décrivit d île comme étant géographiquement « le prolongement de la péninsule anatolienne, constituant une base commode contrôlant toute la Méditerranée orientale » et aussi comme « une assise solide, à larrière du système défensif de la Turquie ». II concluait que Chypre était, pour toutes ces raisons, « dune importance vitale pour la Turquie, non seulement à cause de la présence dune communauté turque dans l île, mais aussi en raison de sa situation géostratégique ». Cette déclaration révèle le véritable objectif de toute la politique turque à légard de Chypre. Elle a été faite par un membre du Gouvernement dun Etat qui, quatre ans auparavant seulement, sétait engagé par traité à maintenir lintégrité territoriale et lindépendance de Chypre et à sopposer à toute tentative de partition ou dannexion de lîle, sous quelques circonstances que ce fût. Les événements qui sensuivirent montrèrent que la Turquie navait jamais eu réellement lintention de tenir cet engagement dont elle entendait en fait se libérer le plus rapidement possible. En juillet 1974, la Turquie envahissait Chypre. Ses troupes occupèrent 37% du territoire chypriote, expulsèrent la population chypriote grecque qui y résidait et rassemblèrent tous les Chypriotes turcs (environ 18% de la population globale de l'île) dans la partie nord occupée du pays. Neuf ans plus tard, le 15 novembre 1983, la prétendue « République Turque du Nord de Chypre » était proclamée. Le plan à long terme de la Turquie, patiemment ourdi et appliqué impitoyablement, avait été au moins partiellement réalisé. II se peut que son but final soit la domination éventuelle de Chypre tout entière. Les ambitions que la Turquie nourrit depuis longtemps à légard de Chypre, un expansionnisme territorial à l'ancienne mode, ont trouvé leur plus claire expression dans la bouche de lancien Ministre des Affaires Etrangères turc, le défunt Turan Gunès. Dans le discours quil prononça le 20 juillet 1980 à loccasion du sixième anniversaire de linvasion de Chypre par la Turquie, il déclarait :
Les termes dans lesquels sexprimait M. Gunès montrent, on ne peut plus clairement que lintérêt que la Turquie prenait au bien des Chypriotes grecs ou turcs navait aucune part dans ses pensées. Le prétexte de la nécessité de défense donné par la Turquie est insoutenable : un pays aussi puissant et aussi bien armé que lest la Turquie, avec une population de quelque quarante millions dhabitants na aucunement besoin de se défendre dun pays voisin qui se trouve être une île dun demi - million dhabitants. « Les desseins expansionnistes » dont parlait M. Gunès ont toujours été la source véritable de lintérêt de la Turquie pour Chypre. Aux yeux de nombreux observateurs extérieurs, le problème de Chypre a paru être celui de deux groupes ethniques en conflit dans leur propre pays. Sil en était ainsi, ce serait un problème que les Chypriotes grecs et turcs pourraient résoudre entre eux. II nest presque pas de pays au monde qui nait affaire à des minorités ethniques ; il sensuit inévitablement des frictions et des différends de quelque sorte. A lintérieur de la République de Chypre, ces différends auraient pu être éventuellement réglées sil nen était de la présence dun pays voisin particulièrement ambitieux et porté sur lagrandissement territorial. La Turquie, indifférente à lidentité chypriote des Chypriotes turcs, les a utilisés dans son propre intérêt en aggravant soigneusement toute source de friction entre eux et les Chypriotes grecs. Cette politique, qui est une tactique bien connue des politiciens sans scrupules, a été utilisée à maintes reprises dans lhistoire ; lusage quil en a été fait à Chypre a été récemment mis en lumière par certains Chypriotes turcs eux-mêmes au parler un peu trop franc. En 1974, la Turquie déclara que ses troupes envahissaient Chypre dans le seul but de restaurer lordre constitutionnel après le coup détat sans lendemain qui avait tenté de renverser le Gouvernement de lîle. Linvasion, quAnkara présentait à lépoque comme une opération de pacification saccompagna de violations massives des droits de lhomme, dont des exécutions en masse, des viols, de mauvais traitements infligés aux prisonniers. La population chypriote grecque fut évincée de plus dun tiers du pays et larmée turque traça ce quelle nomma la « ligne Attila » dun bout à lautre de la partie nord de lîle.
Les droits de la minorité Le régime instauré par le coup détat monté contre le Gouvernement de la République de Chypre sécroula au bout de peu de jours. Larmée turque, cependant, resta sur place et na depuis lors jamais quitté le territoire saisi en 1974 quelle occupe dune main ferme. Mais à présent la justification donnée par Ankara à linvasion a changé. Larmée turque est là, déclare le Gouvernement turc, pour protéger la communauté chypriote turque de lîle. Cela peut paraître crédible et même louable. Nombreux sont ceux qui sont prêts à épouser la cause des minorités et ils ont parfaitement raison de le faire quand il y a véritablement oppression. Mais là, il est clair que la Turquie a du mal à faire passer les Chypriotes turcs pour une minorité opprimée ; un grand pays qui en envahit un petit sans défense et expulse près de la moitié de ses habitants de leurs foyers, ne peut que sefforcer de trouver la justification la plus morale possible à son acte. Limage que donne la Turquie, cependant, est erronée. Car, au sein de la République de Chypre, les Chypriotes turcs ont toujours joui de la garantie dune pleine autonomie culturelle et religieuse. Une représentation politique renforcée pour la minorité chypriote turque est garantie par les articles de base de la constitution chypriote. De plus, le Gouvernement de Chypre a présent accepté le principe dune constitution fédérale instituant un état dans lequel les Chypriotes turcs constitueraient lune des deux ailes de la fédération et auraient leur propre région à administrer. Le Gouvernement chypriote a même offert des avantages économiques spéciaux pour cette région. II sest aussi offert à éloigner tout sujet de crainte possible pour les Chypriotes turcs, inquiets pour leur sécurité, en proposant dabolir la Garde Nationale (qui nest du reste quune force réduite et sans armement lourd), démilitariser la République de Chypre et mettre la police chypriote sous le contrôle dofficiers des Nations Unies. Les conditions demandées par le Gouvernement de Chypre se réduisaient à trois : le retrait des troupes doccupation, la réunification de Chypre et lattribution de droits égaux à tous les Chypriotes quels quils soient, grecs ou turcs. « La République Turque du Nord de Chypre » a été déclarée au nom des Chypriotes turcs. Pourquoi, pourrait-on se demander, souhaiteraient-ils la sécession quand la constitution de leur pays leur accorde des droits et des privilèges beaucoup plus généreux que ceux dont jouissent ordinairement les minorités ? Souhaitent-ils réellement devenir une province lointaine de la Turquie, un pays où le niveau de vie et déducation est considérablement plus bas quà Chypre ? La réponse à cela est double : dabord, le peuple de « létat » auto - déclaré de M. Denktash, le dirigeant chypriote turc, nest pas simplement la population chypriote turque du pays, ensuite, le contrôle rigoureux dAnkara auquel la société chypriote turque a été assujettie depuis de nombreuses années rend difficile et même dangereuse pour les Chypriotes turcs toute opposition à la volonté de la Turquie.
Présence de colons dans la région occupée Le premier de ces deux facteurs, soit, la composition de la population actuelle de la région occupée, est révélateur du mépris dans lequel le Gouvernement dAnkara tient les Chypriotes turcs, se servant deux comme de pions dans son jeu dagression. En plus des 40.000 soldats du contingent turc stationné en région occupée depuis linvasion, la Turquie sest empressée, après 1974, dimplanter environ 50.000 Turcs d Anatolie parmi la population chypriote turque locale. Amenés à Chypre à titre de travailleurs agricoles devant travailler dans les fermes et les plantations dagrumes qui appartiennent aux Chypriotes grecs expulsés, ces Turcs étaient en réalité sinistrement destinés à renforcer le nombre des Turcs à Chypre. Ces colons ont éventuellement obtenu la pleine citoyenneté et se sont vu attribuer des propriétés appartenant aux Chypriotes grecs. Venant de la couche la moins instruite, la plus pauvre et la plus vulgaire de la société turque, ces colons importés sont devenus du jour au lendemain des propriétaires de domaines : le partage du butin grec, ainsi quil en est venu à être connu dans le Nord, était une occasion à ne pas manquer. II y a eu diverses estimations du nombre de résidents vivant actuellement dans la partie occupée de Chypre et de la proportion de Turcs par rapport à la population chypriote turque. Ces estimations ne diffèrent guère les unes des autres et semblent toutes indiquer un pourcentage de 30% de colons turcs sur la population globale. Selon le dernier recensement officiel fait avant 1974, il y avait 104.000 Chypriotes turcs à Chypre. A tout bien calculer, ils pourraient être à présent dans les 120.000. Le nombre officiel donné par la partie occupée dune population de 160.000 âmes montre bien limportance de la présence de colons étrangers à lîle. Une dépêche de lagence Reuter de Nicosie (1.2.1984) spécifiait que les Turcs qui sétaient installés à Chypre depuis 1974 constituaient à présent environ un tiers de la population de la région occupée ; et le quotidien turc Gunaydin (3.3.1984) disait des colons :
Cette importation massive dune population non - chypriote na pas seulement soulevé les protestations du Gouvernement chypriote et na pas seulement été condamnée par les Nations Unies en tant quacte politique visant à modifier léquilibre démographique de Chypre, mais a fait aussi lobjet damers reproches de la part de nombreux Chypriotes turcs eux-mêmes. Le défunt Dr. Fazil Kuchuk, ancien vice-président de la République de Chypre, protesta en ces termes dans le quotidien chypriote turc Halkin Sesi du 25.5.1978.
Le mépris manifeste des colons à légard de lidentité chypriote des Chypriotes turcs a récemment inquiété certains journalistes turcs qui en ont fait le sujet de larticle déjà cité du Gunaydin :
Quelques jours après la publication de cet article, M. Ali Birand écrivait dans le journal turc Milliyet (13.3.1984) un article réprouvant lattitude des immigrants turcs, leur conseillant fortement de se montrer plus respectueux de la communauté chypriote turque, sils ne voulaient pas que la Turquie la perde, spirituellement parlant. II les prévenait quun comportement arrogant, de la part, tant de limmigrant que du touriste turc, pouvait nuire à la position de la Turquie à Chypre. Cependant, M. Birand semble avoir été plus mû par des considérations politiques que par une réelle sollicitude à légard des Chypriotes turcs, car il commence par rappeler à ses lecteurs :
Mr Birand se mit en devoir de décrire le type de comportement à éviter :
Que de tels mots de réprimande soient jugés opportuns par ce journaliste connu est certainement révélateur du degré de mécontentement et de ressentiment éprouvés par les Chypriotes turcs à légard de leurs sauveurs.
La domination dAnkara Le second facteur qui jette des doutes sérieux sur la véracité de lassertion présentant le séparatisme comme le voeu spontané des Chypriotes turcs est la domination quexerce depuis longtemps Ankara sur les Chypriotes turcs. Cette domination était en fait effective dès avant 1974 et M. Ozker Ozgur, dirigeant du Parti Républicain turc (un parti chypriote turc) a révélé quelle avait eu une influence dominante sur la vie chypriote turque. M. Ozgur sest fortement élevé contre cette manipulation de la communauté chypriote turque par Ankara, à la fois avant et après la tentative de sécession. Dans un article du Yeniduzen (8.11.1983) il révélait lexistence du BEY, une force dirigeante composée de trois éléments. Le mot BEY, disait M. Ozgur, est un acronyme qui recouvre les trois éléments suivants : M. Denktash lui-même, lorganisation connue sous le nom de TMT et lenvoyé turc. (Le second de ces éléments, le TMT, est une organisation terroriste secrète montée par M. Denktash en 1958, dont la direction et le contrôle furent bientôt pris en mains par des officiers de larmée turque. Le TMT avait pour objectifs principaux dempêcher toute coopération entre Chypriotes grecs et turcs et de promouvoir la partition de lîle). Bien que des organes nominaux de gouvernement, disait M. Ozgur, aient été établis en 1974,
Depuis loccupation, la Turquie tient directement et complètement sous son autorité les Chypriotes turcs. La présence de 40.000 soldats et denviron 50.000 colons et la surveillance constante des travaux du « Gouvernement » par lEnvoyé turc signifient que « lindépendance » des Chypriotes turcs nest plus quune illusion. M. Denktash appuie sa position sur une stricte adhérence à la politique dAnkara. M. Ozgur lavait déjà précédemment critiqué (yeniduzen, 5.10.1982) pour avoir dit :
Les colons soutiennent M. Denktash Les colons sont devenus un facteur important du contrôle exercé par la Turquie dans la partie occupée de Chypre et constituent un soutien solide pour M. Denktash et son Parti dUnité Nationale. Juste avant les élections de 1980, le journal chypriote turc Soz (16.4.1980) se plaignait que M. Denktash se servait illégalement de la force numérique que représentaient les Turcs du continent pour lemporter aux élections :
Soz poursuivait en évaluant le profit que M. Denktash avait tiré de cette généreuse distribution de droits électoraux. Le journal déclarait quaux élections de 1976, les voix des colons représentaient 25% du nombre total des votes et que les 23% du scrutin représentaient les voix des colons en faveur de M. Denktash et de son Parti dUnité Nationale. Comme M. Denktash avait obtenu seulement 53% des voix, il est clair, disait larticle, quil naurait pas été élu sans le soutien massif des « colons ». Soz concluait :
Depuis la déclaration illégale dindépendance dans la partie occupée de Chypre, M. Denktash a brûlé les étapes dans son escalade vers la séparation et la consolidation des murs de la partition. Dans ce but, le premier pas était de rester au pouvoir, ce en quoi il a été considérablement aidé par la déclaration « dindépendance » même. Comme la « constitution » existante ne permet pas la réélection de M. Denktash pour un troisième mandat, la seule issue possible permettant à M. Denktash de sauver ses ambitions politiques en matière de séparatisme se trouve entre les mains de la nouvelle Assemblée Constituante. Ce corps politique a été institué via la déclaration dindépendance et comprend un fort pourcentage de membres nommés par M. Denktash lui-même. LAssemblée prépare soi-disant une nouvelle constitution qui prévoira très commodément la réélection de M. Denktash. Entre-temps, des accusations portant sur les manipulations du processus politique dans la région occupée, mettant à nouveau principalement en cause les colons turcs, ont paru dans la presse chypriote turque. Le journal Veniduzen (10.2.84) dans un article qui rappelle de façon saisissante celui que nous avons déjà cité concernant les précédentes élections, déclarait quenviron 7.000 nouveaux colons se verraient accorder des cartes de citoyenneté de « la République Turque du Nord de Chypre » et que la citoyenneté était même accordée aux Turcs du continent venu visité la région occupée. Cette mesure avait pour but, selon le journal, de renforcer aux racines le soutien au « Parti de la Renaissance ». Bien quils aient toujours naturellement gravité autour de M. Denktash, les colons sétaient dabord constitués en deux partis, soutenant lun et lautre ale Parti dUnité Nationale au pouvoir. Cependant, même une division de cet ordre a récemment paru aux autorités turques présenter quelque danger. LEnvoyé turc, M. Inal Batu, est parvenu par ses efforts à obtenir la dissolution des deux partis de colons et leur unification au sein dun nouveau parti dirigé par Aytac Besesler, officier en retraite de larmée turque. Selon une dépêche Reuter de Nicosie en date du 1.2.1984 :
Le jour suivant (2.2.1984) lhebdomadaire turc chypriote Ortam mentionnait aussi la formation du nouveau parti, « Yeni Dogus Partisi » (traduisible soit par Parti de lAube Nouvelle ou Parti de la Nouvelle Naissance, Parti de la Renaissance) et déclarait que lEnvoyé turc avait été la force principale qui avait présidé à lunification des deux précédents partis. Cette manoeuvre fut amèrement critiquée par un bon nombre de dirigeants politiques chypriotes turcs qui voyaient en cela un tour de passe-passe destiné à prévenir toute opposition de fait au Parti dUnité Nationale au pouvoir, qui est le parti de M. Denktash. Mr Ozker Ozgur, dirigeant du Parti Républicain turc, demandait : « Sommes-nous un protectorat Si vous demandez à M. Denktash, nous sommes un protectorat de la Turquie. Si vous nous le demandez à nous, nous sommes une partie inséparable dune Chypre indépendante et non - alignée ». Dans un article paru dans le Yeniduzen du 2.2.1984, le jour où la constitution du nouveau parti avait été annoncée, il déclarait :
Mr Ozgur rappelait que la même tactique avait été utilisée en 1981, quana le Ministère des Affaires Etrangères turc était intervenu pour prévenir une tentative de coalition des partis dopposition qui aurait probablement détrôné M. Denktash.
Interdiction de critiquer La réaction de défense du dirigeant chypriote turc devant un article paru dans le New Statesman (27.1.84) a été particulièrement révélatrice de sa position : létroite dépendance dans laquelle il se trouve vis-à-vis de la Turquie ne lui permet de Souffrir aucune critique de son régime, que ce soit de la part de ses compatriotes ou de source étrangère. Larticle était écrit par M. Christopher Price qui, jusquaux dernières élections en Grande - Bretagne, était membre du Parlement pour Lewisham et qui soccupe depuis longtemps des affaires chypriotes. M. Price avait visité la région occupée peu après la tentative de sécession et faisait le récit de ce quil avait vu et entendu. II mentionnait deux très fortes raisons justifiant lopportunité de la tentative de sécession et suspectait les moyens utilisés pour obtenir lapprobation de lAssemblée chypriote turque :
La première réaction de M. Denktash à cet article a été de déclarer que, si M. Price voulait de nouveau passer en République Turque du Nord de Chypre, il serait arrêté. Le journal chypriote turc Bozkurt (6.2.1984) a rapporté que M. Denktash avait exigé de M. Price quil rétracte ses mensonges. De manière encore plus significative, le journal disait que M. Denktash conseillait fortement aux Chypriotes turcs de veiller à ne pas ouvrir leur coeur aux journalistes étrangers et à ne jamais critiquer la Turquie, car cela nuirait aux relations entre la Mère Patrie et sa Fille. II qualifia Christopher Price de propagandiste vendu à la cause des Chypriotes grecs et demanda à Ozgur et Durduran de démentir ce que Price avait dit deux.
A lombre des fusils Non seulement M. Ozgur nen fit rien, mais il déclara que M. Denktash voulait concentrer tous les pouvoirs entre ses mains. M. Durduran, lui, voulut bien déclarer quil navait pas dit ce que M. Price avait rapporté à son sujet. Un membre de ladministration Denktash avait assisté à lentrevue, signala-t-il, et il était sûr que ce dernier avait rapporté à ses supérieurs ce qui avait été dit durant lentretien. Mais Denktash, soutenait-il, avait créé un climat tel dans les régions occupées quil pouvait facilement donner à penser à lopinion publique mondiale que les deux dirigeants politiques avaient été bel et bien menacés. Les personnes responsables davoir créé une telle atmosphère étaient celles qui, sur un coup de tête, avaient aboli la constitution, avaient dissous des partis pour en créer de nouveaux ou imposer de nouveaux dirigeants aux partis. (Bozgurt, 7.2.1984). Bekir Azgi qui écrit dans Soz (8.2.1984) donna à laffaire une certaine perspective. Durduran et Ozgur, signala-t-il, navaient pas dit à Price que leur vie avait été menacée et Price navait pas dit cela dans son article. II avait dit quil y avait eu des rumeurs à ce sujet. Cela, soutenait Azgin, était incontestable. II y avait eu beaucoup de rumeurs, continuait-il, selon lesquelles les signatures pour la sécession auraient été données à lombre des fusils. On ne pouvait savoir ce que les deux chefs de partis avaient dit à Price, mais :
Quelques commentaires en guise de conclusion Lannonce dune République Turque du Nord de Chypre surprit considérablement le monde ; cependant, avant même 1983, M. Denktash avait à plusieurs reprises menacées de sécession. Cétait son atout, quil pouvait jouer à nimporte quel moment, sous le couvert sûr de la puissance de larmée turque. La possession de cet atout lui permettait, tout en prétendant faire preuve de la meilleure volonté de négocier, de dédaigner les propositions les mieux étudiées du Gouvernement de Chypre comme du Secrétaire Général des Nations Unies. Déjà en 1975, M. Denktash nommait la région occupée du nom dEtat Fédéré Turc de Chypre. Bien que cette appellation nait jamais été reconnue par la communauté internationale, elle rassurait plus ou moins le monde extérieur en donnant limpression que M. Denktash considérait toujours la région occupée comme une partie de la République de Chypre. La Turquie, malgré son écrasant présence militaire, parvenait toujours à garder en apparence une attitude de détachement bienveillant pour convaincre le reste du monde que les Chypriotes turcs étaient toujours maîtres de leur propre sort. Au moment où la déclaration illégale dindépendance fut annoncée, le représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies venait darriver à Chypre avec de nouvelles propositions en vue dun règlement du problème de Chypre. Mais M. Denktash ne pouvait attendre. Avec un dédain caractéristique des résolutions répétées de tous les organismes internationaux, dont lAssemblée Générale des Nations Unies, le Conseil de Sécurité des Nations Unies, le Conseil de lEurope et les chefs de gouvernement des pays du Commonwealth et avec un mépris total du représentant spécial du Secrétaire Général, il fit part au monde de sa volonté de démembrer un état indépendant, souverain et internationalisent reconnu. Cette tentative illégale de sécession a, depuis, été vigoureusement condamnée par tous les organismes internationaux mentionnés ci-dessus qui ont demandé son annulation. Les gouvernements des pays de lEst et de lOuest et ceux du mouvement des pays non-alignés ont tous exprimé leur complète désapprobation de la déclaration de M. Denktash et aucun na reconnu létat auto - déclaré, si ce nest la Turquie elle - même. Malgré toute lapparence et toutes les prestigieuses marques du pouvoir, M. Denktash reste un personnage pitoyable et solitaire sur la scène internationale. II guette anxieusement une voix, ne serait ce quune seule, autre que celle de la Turquie, qui lui soit indulgente. Seule son ambitieuse et abusive Mère - Patrie approuve ce quil a fait. Mais, entre-temps, les murs de la partition se consolident de jour en jour, un tiers de la population chypriote est toujours réfugié dans son propre pays, et, ce qui est le pire de tout, le temps donne lillusion dune situation normale. La communauté internationale peut oublier, dautant plus facilement que les Chypriotes nont jamais soutenu leur cause par des actes de terrorisme et nont jamais voulu agir ainsi. II en est comme il doit en être : les Chypriotes en eux-mêmes souhaitent de tout leur coeur une solution pacifique et juste et attendent tout du lent processus de la justice internationale. La condamnation de la violation de leur Etat qui a été exprimée par tous les gouvernements est une profonde source dencouragement pour le peuple de la République de Chypre. Mais la Turquie est un pays fort et puissant, dune grande importance stratégique. Peu détats semblent prêts à mettre en danger leurs relations avec elle en contestant trop violemment sa politique ou en lui retirant lénorme aide militaire et économique quelle reçoit. Cependant, si le monde extérieur doit contribuer à trouver une solution au problème de Chypre, il se doit de poser le problème tel quil est : à savoir quil sagit dune agression de Chypre par la Turquie dans la poursuite de ses visées expansionnistes, avec manipulation de la communauté chypriote turque, présentée comme une minorité à protéger, justifiant son intervention pour une bonne cause.
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