Page 7 |
La lemme qui porte les signes évidents de la maladie, manie la grande clé dans la serrure de la porte. Lintérieur de léglise est éclairé par des chandelles, le parfum de lencens fait du bien. Cest la première église orthodoxe grecque, dans le nord de Chypre, qui nest pas profanée, dans laquelle on cé1èbre des messes.
Regards soupçonneux du " policier ", qui ne comprend pas lintérêt que nous portons à cette Maison de Dieu chrétienne. II est enthousiasmé pour la nouvelle mosquée, quil prends pour beaucoup plus importante. Cette église est différente des autres. Liconostase est intacte. Lautel et les vases sacrés utilisés pour la liturgie nont pas été volés. Il ne manque que quelques icônes - mais ce sont les plus importantes du point de vue artistique. Mais le plus important est que les fresques rares du douzième siècle remarquable pour lhistoire de lart, sont encore à leur place. Le Christ Pantocrator avec sa suite danges sur le haut de la coupole et toutes les autres peintures sont intactes. Ce sauvetage tient du miracle étant donné les nombreux vols dart à Chypre du nord, apparemment systématiquement organisés par des connaisseurs dart. A Chypre lamitié entre les Chypriotes grecs et les Chypriotes turcs existe, de là sans doute vient le sauvetage merveilleux de ces objets dart. Et tout porte à croire quune telle amitié a été protectrice à Trikomo. Mais dans le conflit entre les Grecs et les Turcs cette facette de la réalité nest guère pris en compte politiquement. Cette situation rappelle celle de Styloi, un petit village près dEngomi. Là aussi on trouve des signes visibles damitié entre les Grecs et les Turcs, cela dit, on trouve des profanations des cimetières chrétiens à Styloi comme partout ailleurs à Chypre du nord. A mi-chemin vers le Cap Apostolos Andreas, à la pointe nord-est de lîle, se trouve Lythrangomi : le lieu du crime, le lieu du vol des mosaïques de léglise de Panayia-Kanakaria. Cest dici que ont été volées et exportées illégalement les mosaïque protochrétiennes du sixième siècle et dont une partie a été vendue aux Etats Unies. Des Chypriotes grecs et des Chypriotes turcs vivaient à Lythrangomi jusquen 1974. Daprès le recensement de la population de 1960 cent - soixante - quinze Grecs et cent cinq Turcs y habitaient. Léglise de lancien monastère se trouve au bord nord de la rue. Larchitecture impressionnante de la coupole domine le décors du village. Léglise et aussi le bâtiment du monastère sont bien entretenus. Des portes massives en bois ferment à clé la Maison de Dieu. Un Turc du village garde la clé ; il est le surveillant officiel et ouvre volontiers le lieu chrétien sacré. Lintérieur nest point laissé à labandon et nest pas une bergerie pleine de foin ainsi que le dit " Der Spiegel ", texte et images à lappui. A Chypre du nord il y a malheureusement beaucoup déglises à la dérive et utilisées comme étables, mais léglise de Lythrangomi nen fait pas partie. Il est réconfortant que la presse internationale sest souvent occupé du difficile problème politique de Chypre. Mais les messages occasionnels qui ne rendent pas une image authentique et des rapports basés sur des recherches insuffisantes avec des descriptions fausses ne sont bons à rien pour laffaire de Chypre. II est vrai que lintérieur nest pas une bergerie pour moutons et chèvres mais il a été pillé et est totalement vide. Seul lautel latéral, face nord a encore des vestiges de liconostase. Ce sont des sculptures précieuses en bois - et apparemment oubliées par les voleurs. Dans labside centrale souvrent les blessures les plus douloureuses : les surfaces arrachées de la voûte de labside. La mosaïque protochrétienne avec la Mère de Dieu en décorait depuis plus de mille - quatre cent ans le lieu sacré. Un des plus importants monuments du monde. Rizokarpaso, le chef-lieu de la péninsule de Karpas, nétait, avant 1974, peuplé que de Chypriotes grecs. Aujourdhui, seulement environ trois cent Grecs, et des milliers de Turcs dAnatolie, habitent à Rizokarpaso. On donna aux colons étrangers les biens des Grecs qui avaient fuit. La route principale de Rizokarpaso était depuis toujours utilisée pour le marché et comme lieu de rencontre. Au nord de la route des cafés turcs où bourdonne de la musique trop bruyante. Vidéo et télé rivalisent lune avec lautre. Les nombreux enfants dans les rues latérales sont un signe dun problème peu connu : les Chypriotes turcs ont peur dêtre devancés par les colons. Il y a des paysans dAnatolie qui ont deux ou trois femmes et dix à vingt enfants. Beaucoup de Chypriotes turcs souhaitent un rapprochement avec le sud, mais avec des garanties. Et cela surtout depuis que des milliers de Turcs du continent affluent dans le nord Chypre. On dit quà présent environ soixante - mille colons y sont installés, et ils ont les mêmes droits que les Chypriotes turcs. A cause de ces circonstances les Chypriotes turcs sont poussés à lopposition et de plus en plus se développe chez eux une conscience chypriote. La politique de Denktash est inconcevable sans le soutien de lYDP, le " parti des colons ". Sans eux, Denktash naurait pas gagné les " élections présidentielles " de 1985. Au sud de la route se trouve un café grec avec une enseigne turque. Quelques vieux hommes sont assis muets devant un verre deau. Ils boivent rarement du café ou de l'ouzo. Ils nont pas les moyens de sen payer. Ils sont opprimés par le bruit des autres. Ils attendent léthargiquement et sans grand espoir une solution politique, qui soulagerait leur destin. A quelques kilomètres du cap se trouve le lieu sacré de lapôtre André. Daprès une légende lapôtre aurait, au cours dun voyage de mission, montré une source à léquipage, qui navait plus deau potable. Une autre légende dit, quil aurait fait jaillir de leau dun roc. Déjà durant lépoque protobyzantine les chrétiens ont révéré cette région dont lapôtre André est le patron ; son nom signifie " brave et vaillant ". Au quinzième siècle les Lusignan ont construit une chapelle gothique dédiée à Saint André. Les bâtiments actuels du monastère sont du dix-neuvième et vingtième siècle. Avant la division de lîle beaucoup de chrétiens orthodoxes grecs venaient en pèlerinage en ce lieu saint. Aujourdhui le monastère fait penser à un film surréaliste : le vaste préau du monastère est tristement vide. Deux " policiers " turcs attendent les touristes, qui se risquent jusqu'à ce lieu isolé, pour les contrôler et enregistrer leur identité. Deux vieilles femmes sont assises sous les arcades, entourées par une grande famille de chats. Des chants hésitants viennent de léglise. Quatre femmes et trois hommes, déjà très vieux, suivent la liturgie. Lintérieur est somptueux. Celui qui na pas vu la décoration de léglise avant la guerre ne peut pas remarquer quici aussi les icônes les plus précieuses ont été volées. Le prêtre lit lévangile à la petite paroisse, dune voix ferme, imperturbable et non pas en cachette. De nos jours, comme pendant les siècles de lempire Ottoman, les prêtres orthodoxes deviennent les sauveurs et les protecteurs de la culture et des traditions grecques. Mais pour combien de temps encore ?
|