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La lemme qui porte les signes évidents de la maladie, manie la grande clé dans la serrure de la porte. L’intérieur de l’église est éclairé par des chandelles, le parfum de l’encens fait du bien. C’est la première église orthodoxe grecque, dans le nord de Chypre, qui n’est pas profanée, dans laquelle on cé1èbre des messes.

DES EGLISES VIDES

Regards soupçonneux du " policier ", qui ne comprend pas l’intérêt que nous portons à cette Maison de Dieu chrétienne. II est enthousiasmé pour la nouvelle mosquée, qu’il prends pour beaucoup plus importante. Cette église est différente des autres. L’iconostase est intacte. L’autel et les vases sacrés utilisés pour la liturgie n’ont pas été volés. Il ne manque que quelques icônes - mais ce sont les plus importantes du point de vue artistique. Mais le plus important est que les fresques rares du douzième siècle remarquable pour l’histoire de l’art, sont encore à leur place. Le Christ Pantocrator avec sa suite d’anges sur le haut de la coupole et toutes les autres peintures sont intactes.

Ce sauvetage tient du miracle étant donné les nombreux vols d’art à Chypre du nord, apparemment systématiquement organisés par des connaisseurs d’art. A Chypre l’amitié entre les Chypriotes grecs et les Chypriotes turcs existe, de là sans doute vient le sauvetage merveilleux de ces objets d’art. Et tout porte à croire qu’une telle amitié a été protectrice à Trikomo. Mais dans le conflit entre les Grecs et les Turcs cette facette de la réalité n’est guère pris en compte politiquement. Cette situation rappelle celle de Styloi, un petit village près d’Engomi. Là aussi on trouve des signes visibles d’amitié entre les Grecs et les Turcs, cela dit, on trouve des profanations des cimetières chrétiens à Styloi comme partout ailleurs à Chypre du nord.

A mi-chemin vers le Cap Apostolos Andreas, à la pointe nord-est de l’île, se trouve Lythrangomi : le lieu du crime, le lieu du vol des mosaïques de l’église de Panayia-Kanakaria. C’est d’ici que ont été volées et exportées illégalement les mosaïque protochrétiennes du sixième siècle et dont une partie a été vendue aux Etats Unies. Des Chypriotes grecs et des Chypriotes turcs vivaient à Lythrangomi jusqu’en 1974. D’après le recensement de la population de 1960 cent - soixante - quinze Grecs et cent cinq Turcs y habitaient. L’église de l’ancien monastère se trouve au bord nord de la rue. L’architecture impressionnante de la coupole domine le décors du village. L’église et aussi le bâtiment du monastère sont bien entretenus. Des portes massives en bois ferment à clé la Maison de Dieu. Un Turc du village garde la clé ; il est le surveillant officiel et ouvre volontiers le lieu chrétien sacré.

L’intérieur n’est point laissé à l’abandon et n’est pas une bergerie pleine de foin ainsi que le dit " Der Spiegel ", texte et images à l’appui. A Chypre du nord il y a malheureusement beaucoup d’églises à la dérive et utilisées comme étables, mais l’église de Lythrangomi n’en fait pas partie. Il est réconfortant que la presse internationale s’est souvent occupé du difficile problème politique de Chypre. Mais les messages occasionnels qui ne rendent pas une image authentique et des rapports basés sur des recherches insuffisantes avec des descriptions fausses ne sont bons à rien pour l’affaire de Chypre.

II est vrai que l’intérieur n’est pas une bergerie pour moutons et chèvres mais il a été pillé et est totalement vide. Seul l’autel latéral, face nord a encore des vestiges de l’iconostase. Ce sont des sculptures précieuses en bois - et apparemment oubliées par les voleurs. Dans l’abside centrale s’ouvrent les blessures les plus douloureuses : les surfaces arrachées de la voûte de l’abside. La mosaïque protochrétienne avec la Mère de Dieu en décorait depuis plus de mille - quatre cent ans le lieu sacré. Un des plus importants monuments du monde.

Rizokarpaso, le chef-lieu de la péninsule de Karpas, n’était, avant 1974, peuplé que de Chypriotes grecs. Aujourd’hui, seulement environ trois cent Grecs, et des milliers de Turcs d’Anatolie, habitent à Rizokarpaso. On donna aux colons étrangers les biens des Grecs qui avaient fuit. La route principale de Rizokarpaso était depuis toujours utilisée pour le marché et comme lieu de rencontre. Au nord de la route des cafés turcs où bourdonne de la musique trop bruyante. Vidéo et télé rivalisent l’une avec l’autre. Les nombreux enfants dans les rues latérales sont un signe d’un problème peu connu : les Chypriotes turcs ont peur d’être devancés par les colons. Il y a des paysans d’Anatolie qui ont deux ou trois femmes et dix à vingt enfants.

Beaucoup de Chypriotes turcs souhaitent un rapprochement avec le sud, mais avec des garanties. Et cela surtout depuis que des milliers de Turcs du continent affluent dans le nord Chypre. On dit qu’à présent environ soixante - mille colons y sont installés, et ils ont les mêmes droits que les Chypriotes turcs. A cause de ces circonstances les Chypriotes turcs sont poussés à l’opposition et de plus en plus se développe chez eux une conscience chypriote. La politique de Denktash est inconcevable sans le soutien de l’YDP, le " parti des colons ". Sans eux, Denktash n’aurait pas gagné les " élections présidentielles " de 1985.

Au sud de la route se trouve un café grec avec une enseigne turque. Quelques vieux hommes sont assis muets devant un verre d’eau. Ils boivent rarement du café ou de l'ouzo. Ils n’ont pas les moyens de s’en payer. Ils sont opprimés par le bruit des autres. Ils attendent léthargiquement et sans grand espoir une solution politique, qui soulagerait leur destin.

A quelques kilomètres du cap se trouve le lieu sacré de l’apôtre André. D’après une légende l’apôtre aurait, au cours d’un voyage de mission, montré une source à l’équipage, qui n’avait plus d’eau potable. Une autre légende dit, qu’il aurait fait jaillir de l’eau d’un roc. Déjà durant l’époque protobyzantine les chrétiens ont révéré cette région dont l’apôtre André est le patron ; son nom signifie " brave et vaillant ". Au quinzième siècle les Lusignan ont construit une chapelle gothique dédiée à Saint André. Les bâtiments actuels du monastère sont du dix-neuvième et vingtième siècle.

Avant la division de l’île beaucoup de chrétiens orthodoxes grecs venaient en pèlerinage en ce lieu saint. Aujourd’hui le monastère fait penser à un film surréaliste : le vaste préau du monastère est tristement vide. Deux " policiers " turcs attendent les touristes, qui se risquent jusqu'à ce lieu isolé, pour les contrôler et enregistrer leur identité. Deux vieilles femmes sont assises sous les arcades, entourées par une grande famille de chats. Des chants hésitants viennent de l’église. Quatre femmes et trois hommes, déjà très vieux, suivent la liturgie. L’intérieur est somptueux. Celui qui n’a pas vu la décoration de l’église avant la guerre ne peut pas remarquer qu’ici aussi les icônes les plus précieuses ont été volées. Le prêtre lit l’évangile à la petite paroisse, d’une voix ferme, imperturbable et non pas en cachette. De nos jours, comme pendant les siècles de l’empire Ottoman, les prêtres orthodoxes deviennent les sauveurs et les protecteurs de la culture et des traditions grecques. Mais pour combien de temps encore ?

 


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