Rappel Historique |
13. Il convient da rappeler que l'histoire de Chypre est marquée par deux données fondamentales: les nombreuses vagues d'occupation qui ont déferlé successivement sur l'île et la présence de Grecs à Chypre depuis le second millénaire avant Jésus - Christ. Depuis des siècles l'île a été un lieu de rencontre de peuples, de civilisations et de cultures d'Asie, d'Afrique et d'Europe. 14. A partir de 1192, et pendant trois siècles, les Croisés ont fait de l'île un bastion isolé et solitaire de la chrétienté latine en Méditerranée. En 1571, après moins d'un siècle de domination vénitienne, Chypre est devenue une possession de l'Empire ottoman pour une période de 300 ans. En 1878, ce dernier a cédé l'île à la Grande - Bretagne en échange du soutien britannique contre l'étranger russe qui les menaçait tous deux. En 1914, l'Empire ottoman a déclaré la guerre à la Grande - Bretagne et cette dernière a procédé à l'annexion de l'île. 15. Ce n'est que le 16 août 1960 que Chypre accède à l'indépendance. Celle ci résulte des accords signés à Zurich et à Londres en février 1959 entre les représentants du Royaume Uni, de la Grèce, de la Turquie et des deux communautés chypriotes. Ces accords excluent aussi bien le rattachement de l'île à un autre Etat que son partage. 16. La Constitution de 1960 prévoyait une participation des deux communautés, grecque et turque, à toutes les institutions de la nouvelle république. La Chambre des Représentants qui comprenait 50 sièges, prévoyait que 70% seraient réservés à la communauté chypriote grecque (représentant à l'époque environ 80% de la population) et 30% à la communauté chypriote turque (représentant les quelque 20ºlo restant de la population). 17. Mais l'application de la Constitution s'est avérée plus difficile que prévue. Les deux communautés, trop sensibles aux influences respectives de la Grèce et de la Turquie, se sont accusées mutuellement de violer les accords de 1959 ainsi que la Constitution de 1960. Durant la période allant de 1960 à la fin de 1963, une partie de la population chypriote grecque, qui avait joué en rôle prépondérant dans le révolte contre l'occupation britannique, a continué à défendre l'idée du rattachement de Chypre à la Grèce ("Enosis"). Fin novembre 1963, les amendements à la Constitution proposés par le Président Makarios ont été rejetés par la communauté chypriote turque. Les attaques dont ont été victimes des membres de cette communauté, fin décembre 1963, ont plongé le pays dans une grave crise politique qui a entraîné la chute du gouvernement composé de représentants des deux communautés. 18. Les affrontements qui se sont poursuivis au début de l'année 1964 ont amené le Conseil de sécurité des Nations Unies à envoyer au mois de mars de cette même année une force de paix des Nations Unies (UNFICYP), qui encore aujourd'hui stationne sur l'île. 19. Durant la période allant de 1964 à 1967, un climat de crise s'est installé à Chypre qui devenait une des principales sources de tension entre la Grèce et la Turquie. Malgré les dispositions contenues dans les accords de 1959, limitant la taille des contingents militaires grec et turcs stationnés à Chypre, des forces armées grecques sont venues s'installer sur l'île avec l'assentiment des autorités. Pendant ce temps, la communauté chypriote turque, se sentant exclue des organes politiques administratifs et juridiques de la République, a créé ses propres institutions. 20. En décembre 1967 et en janvier 1968, suite à des accords passés entre la Grèce et la Turquie, la majorité des forces armées grecques qui stationnaient sur l'île ont été rapatriées. Le climat politique s'est amélioré et, quelques mois plus tard, ont débuté les conversations intercommunautaires en vue de parvenir à une solution juste et pacifique du problème chypriote. 21. Le 15 juillet 1974, le coup d'Etat de Nykos Sampson, un partisan déclaré de l'Enosis, ouvertement soutenu par la junte militaire au pouvoir en Grèce, a déclenché une véritable tragédie. Le 19 juillet 1974, le Président Makarios, qui a dû quitter l'île, a déclaré au Conseil de sécurité des Nations Unie que le "coup d'Etat a fait couler beaucoup de sang et entraîné des pertes importantes en vies humaines". 22. Le lendemain, 20 juillet 1974, s'est produite l'intervention militaire turque. Le Gouvernement turc entendait exercer ainsi les droits qui lui étaient reconnus par le Traité de garantie de 1960. Le 14 août 1974, une deuxième vague de forces armées turques est arrivée à Chypre et occupait le tiers nord de l'île. S'est ainsi produite une division de l'île en deux parties séparées par une ligne de démarcation. A la suite de cette partition, les Chypriotes grecs de la partie nord de l'île se sont réfugiés dans la partie sud, tandis que les Chypriotes turcs, habitant dans la partie sud, l'ont abandonnée pour se réfugier dans la partie nord. Les uns et les autres sont ainsi devenus des réfugiés dans leur propre pays. 23. En 1975, dans la partie nord occupée par l'armée turque, a été proclamé l'Etat turc fédéré de Chypre, devenue en 1983 République turque du nord de Chypre, qui est seulement reconnue par la Turquie. Cette proclamation unilatérale d'indépendance a été condamnée par le Conseil de sécurité des Nations Unies. 24. La déclaration d'indépendance a eu pour conséquence d'éloigner davantage les deux communautés et de rendre le dialogue intercommunautaire encore plus difficile malgré les efforts du Secrétaire général des Nations Unies auquel la communauté internationale a confié une mission de bons offices. 25. La partition de l'île, que le Conseil de l'Europe n'admet pas, est un problème essentiellement politique, mais qui comporte aussi une dimension humanitaire parfois négligée. Près d'un tiers de la population de l'île a été déplacé par le conflit. L'ampleur de ce mouvement de population explique pourquoi les aspects politiques et humanitaires de la question chypriote sont si étroitement liés. Comme les précédents Rapporteurs de la Commission, MM. Riesen et Müller, j'estime qu'il sera difficile de trouver une solution aux problèmes humanitaires sans simultanément avancer vers un règlement politique du conflit. Inversement, les problèmes de caractère humanitaire (populations déplacées, mouvements migratoires, personnes disparues) constituent d'importants obstacles à la solution politique.
1. La référence à ces deux entités n'implique aucune reconnaissance de la part du Rapporteur. Le seul Etat reconnu par le Conseil de l'Europe est la République de Chypre.
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